Comme tous ceux qui passent à Port de
Roche, qui vont de Langon vers Le Grand Fougeray, ou reviennent de Saint-Ganton
ou Guipry, obligés de contourner le monument pour prendre la route de la gare
et la direction du bourg, mon regard est attiré inexorablement par ces pierres
élevées en mémoire des fusillés du 6 août 1944.
Et mes pensées - tout en gardant le
contrôle de mon véhicule, marquant le "Stop" et surveillant la
circulation - s'envolent un instant vers ces hommes valeureux pour lesquels on
édifia ce monument et qui avec les années disparaitraient définitivement de
notre mémoire si ce souvenir n'était planté là ainsi que les
commémorations annuelles.
Personnellement, né un an avant ces
événements, j'étais évidemment trop jeune pour enregistrer ce fait héroïque et
retenir les noms de ces glorieux langonnais maintenant gravés sur le granit et
que je n'ai jamais connus.
Ces noms, j'avais envie de les
redécouvrir et de les faire entrer dans ma mémoire en rappelant cette
histoire - qui n'a pas réfléchi, en imaginant être à leur place, aux réactions
et comportements qu'il aurait eu dans la même situation -
J'ai pensé que la meilleure manière était
de partir moi-même à la recherche d'archives et de documents. Et, pourquoi pas,
trouver et interroger les derniers témoins encore vivants (2015) de cette époque.
Les résultats de ces recherches les voici consignés dans cette page, tels
quels, sans fioritures ajoutées, et mis à la disposition de tout visiteur POUR LA MÉMOIRE.
Habitants
de Langon, vous souvenez-vous de ce dimanche matin 6 août 1944 ?
Les
Américains étaient passés le jeudi 3 Août. C'étai la joie de la LIBÉRATION. Les
cloches avaient carilloné. Les maisons étaient pavoisées aux drapeaux français
et alliés.
Hélas! Cette
joie bien légitime devait être de courte durée. Le vendredi matin, le pont sur
la Vilaine, à Beslé, sautait. Seul celui de Port de Roche était debout.
Une
mesure s'imposait : la garde du pont. Un groupe de jeunes volontaires est
désigné.
Le
Dimanche 6, vers trois 3 du matin, une colonne allemande en déroute, forte de
5.000 hommes, arrive et sème la terreur dans tout le haut de Langon, tuant au
BRULAIS un petit jeune homme de 15 ans, Jean LEPERE, accouru au bout du chemin…
pour vois passer les AMÉRICAINS !
Et ce
fut le massacre épouvantable de cinq jeunes :
Jean Baptiste LEBRETON, 18 ans
Gabriel NEVOU, 22 ans
Auguste GUÉRIN, 29 ans
Jules LE FRECHE, 26 ans
Célestin POULAIN, 26 ans
Un
sixième, Armand JOLLIVEL, devait tomber le lendemain au GRAND FOUGERAY, alors
qu'il se portait au secours du Docteur NOAILLES.
Combien
furent émouvantes les funérailles, le mardi dans notyre vieille église! Toute
la population était dans le deuil.
A la
liste des victimes, il faut ajouter deux noms :Pierre PORCHER, fusillé à
ANGERS et Jean Baptiste RIMBAUD, mort en déportation.
Quelques précisions, d'après le discours de Monsieur I.
Renouard, lors de l'inauguration du Monument aux Morts de Port de Roche.
"Le premier dimanche d'Août 1944, à l'aube, 10 Jeunes
de chez nous se sont relayés à la garde du pont de Port de Roche.
Au moment de la relève, pendant que leurs camarades vont au
repos dans une maison voisine, 4 de nos jeunes descendent du pont pour prendre
leur garde, quand, vers la route, un bruit de voiture en marche les attire.
Croyant trouver les AMÉRICAINS, ils accourent plein de confiance. Cruelle
méprise! Les hommes qu'ils rencontrent et qui les encerclent aussitôt,
constituent l'avant-garde d'une colonne allemande, en retraite vers SAINT
NAZAIRE.
Nos 4 jeunes gens sont poussés à coups de crosse, à coups de
bottes jusqu'au talus, face à cette étable (un geste pour désigner l'endroit
tout proche) et là, dans la lumière d'un beau matin d'été
Jean Baptiste LEBRETON
Auguste GUÉRIN
Gabriel NEVOU
Jules LEFRECHE
Sont alignés, et, sans jugement, massacrés à la
mitraillette.
Mais ce massacre n'a pas encore assouvi la rage des brutes;
avec leurs horribles bottes, ils meurtrissent lee visages et les corps de leurs
victimes; et ces actes ne prennent fin qu'au milieu de la matinée, quand un
officier ordonne l'enlèvement des corps. Ils sont mis sur une charrette réquisitionnée,
qui les conduit sous escorte au cimetière? Là, les corps sont jetés dans une
fosse commune et, sans linceul, impitoyablement couverts de terre.
Pendant ce temps la horde tenait sous la terreur la population
de Port de Roche. Vers la fin de la matinée, un domestique du village, Célestin
POULAIN, dans la chambre duquel des soldats ont trouvé un mousqueton, remis à
lui la veille par les AMÉRICAINS, est traîné dans le jardin, et, sans jugement,
abattu à la mitraillette.
Par une chance presque miraculeuse, un autre massacre fut
cependant évité. Six des hommes qui avaient passé la nuit à la garde du pont
réussirent à sauver leur vie, dissimulés dans un grenier. Une personne avait eu
la présence d'esprit de retirer l'échelle qui leur avait servi à gagner cet
abri.
Cette journée du 6 Août devait faire cependant d'autres
victimes. Près d'ici, un tout jeune domestique, 15 ans, Jean LEPERE, qui
croyait lui aussi acclamer les AMÉRICAINS, a été abattu, au bout de la route, comme
un simple gibier… A la limite de Messac et de Langon, deux paisibles habitants
du village de Bœuvres étaient tombés sous les balles quelques instant plus tôt.
Le matin de ce même jour, de l'autre côté de la Vilaine, en la commune de Ste
Anne, trois jeunes et courageux résistants : Jean GUÉRILLON de Pléchatel, Louis
BRÉHAULT de la Richardais, Claude ROZET de Rennes ont été passés par les armes
sur le bord de la route… Dans la même commune, un jeune fermier, Pierre RABU,
grièvement blessé d'une balle, décèdera un mois plus tard.
Cependant cette journée de cauchemar va s'achever: après un
engagement avec quelques chars américains, la horde qui a saboté le matériel
inutile ou encombrant, se remet en route vers le soir.
LANGON va pouvoir faire la liste de ses morts. Pas encore…
Au Grand Fougeray, Armand JOLIVEL, 21 ans, lieutenant F.F.I., tombera sous le
feu des mitraillettes, victime de sa trop grande bravoure.
En plus d'Armand JOLIVEL, la colonne Allemande fit au Grand
Fougeray deux autres victimes : le Docteur NOAILLES, qui, au bruit de la
fusillade, se portait au secours des blessés, et une innocente jeune femme,
tuée à sa fenêtre.
Deux jours après ce massacre, Langon fit à ses morts
d'émouvantes funérailles. Dès le lundi matin, les corps meurtris et souillés
avaient été retirés de l'horrible fosse commune et pieusement ensevelis par des
mains charitables. Ils reposent dans les tombes de famille. Regardez bien les
pierres de leur MONUMENT, dures et droites, groupées en V, le V de la Victoire,
face à l'Est, la frontière violée si souvent, mais aussi face au soleil qui se
lève, signe d'espoir, de renaissance, de vie.
Au centre, un DOLMEN porte leurs noms et la palme du
sacrifice.
Dominant le tout de sa masse, le grand MENHIR est l'image de
la France, qui toujours veillera sur ses héros…
C'est
pour rappeler ce douloureux souvenir, que le dimanche Ier Août 1948 a été
inauguré sur les lieux mêmes du drame, en présence d'une foule nombreuse, au
cours d'une cérémonie grandiose présidée par M. BILLEGARD, préfet
d'Ille-et-Vilaine, un monument original, qui sera l'hommage de toute la
population à ceux qui furent des braves, des héros.
Retenons
le thème du sermon prononcé par M. le Recteur de SAINT GANTON, au cours de la
Grand' Messe célébrée sur les lieux mêmes où coula le sang de nos fusillés,
associant leur sacrifice à la Passion du CHRIST, la Messe n'étant pas autre
chose que la répétition du drame du Calvaire.
A la fin
de la Messe, M. le CURÉ se REDON bénit le Monument et préside le LIBERA.
Un clairon
égrène les notes de la sonnerie aux MORTS et c'est l'appel des disparus.
Silence profond; les yeux se mouillent de larmes.
M.Isidore RENOUARD, MAIRE, parle :
"Nous avons choisi, dit-il, la pierre la
plus dure, le Quartz de nos landes, parce qu'elle est l'image de leur courage.
Qu'elle défiera les siècles portant aux générations futures leur douloureux
message.
Nous
avons planté ces pierres debout, parce qu'eux-mêmes, n'acceptant pas la
défaite, se dressèrent face à l'ennemi, jusqu'à la mort… Et pour qu'ils se
dressent aussi sur notre passage, à la croisée des routes, nous indiquant le
droit chemin du devoir et de l'Honneur."
M.
JANTON, Conseiller de la RÉPUBLIQUE, invita à puiser dans le sacrifice des
fusillés, un exemple d'union et de dévouement.
Ainsi
restera efficace, conclut M. le PREFET, la mémoire de telles personnes.
Le malheurLe
malheur sur la France s'est abattu soudain
Et
l'aigle du Führer, comme un oiseau rapace
A
trahi nos soldats en leur liant les mains;
Puis,
s'élevant bien loin, tout là-haut dans l'espace,
A
crié sa victoire sur notre France défunte!
Mais,
l'âme de la Patrie n'est pas morte,
Tu
t'es tromppé, maudit, en la croyant éteinte!
Sous
le baillon qui l'étouffe, elle n'en est que plus forte.
Et
les heures en fuyant hatent la délivrance
Car
chacun de nous tous cultive au fond du cœur
Cette
haine sacrée qui donne l'Espérance.
Déjà,
l'ennemi fléchit dans sa gloire de vainqueur :
Des
Français Libres combattent aux côtés des Alliés,
Unis
comme un seul homme dans une même conception,
Ils
n'ont qu'une seule pensée : délivrer la France enchainée.
Nous
serons dignes de vous, héros de la Nation
Quand
l'heure aura sonné de marcher au combat,
Tous
ensemble, nous ferons le sublime devoir,
Nous
mourrons s'il le faut, c'est Dieu qui jugera
Mais,
qu'importe le sort, nous aurons la Victoire
Ecrit sur la Lande, après une méditation sur le désastre de juin 40.
1 Août 1948
Inauguration /2 photos
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A défaut de distinguer les personnages, ces 2 documents nous montrent la foule.
Résistants et Maquisards de Langon
Le 8 Août 1948 quatre anciens résistants furent décorés à Port de Roche de la Croix du Combattant :
René GAUDICHON - André GUIHAIRE
Lucien LETORT - Albert PROVOST
Voici quelques photos de cette journée.
(Agrandir par un clic)
Il y eut des résistants à Langon, morts pour la FRANCE ou décorés pour leurs actions courageuses. Vous trouverez à suivre quelques uns de leurs exploits.
En cette année 2015 un seul est encore parmi nous : Marcel PHILIPPE.
C'est de bonne grâce, en souvenir de ses camarades disparus, qu'il a bien voulu se prêter à cette petite séance d'enregistrement.